I-HA Vivre l’Intelligence Artificielle

« Chéri lève-toi, Chéri lève-toi, Chériiii ! » Sur un fond de clairon, la voix féminine était voluptueuse mais impérative. Et dire que c’est lui-même qui l’avait choisie il y a quelques mois !!! Dans son demi sommeil il se promit encore une fois de la modifier… De toute manière ça ne changerait rien au système. Quelle que soit la voix sélectionnée le PRINCIPE restait le même : « Chérie » pour les hommes ou « Chéri » pour les femmes, tou(te)s ces soit-distant esclaves virtuels étaient avant tout des emmerdeuses(eur) qui vous harcelaient quoi que vous fassiez et pendant toute votre vie depuis votre naissance, ceci soit-disant pour VOTRE BIEN !!!

Hihihi hihihi hihihi Aïe ! Ouïe ! Arrête, arrête ! Ok je me lève !

D’un bond il s’arracha du lit pour éviter les chatouilles qu’elle lui faisaient subir mentalement. Et dire que c’est lui-même qui avait encore une fois sélectionné ce mode de réveil. Le précédent qu’il avait essayé était plutôt sadique avec des sensations de coups de fouet. Il n’avait pas pu résister plus de 3 matins. Et avant, ça avait été une sonnerie stridente à vous percer le crâne. Finalement les chatouilles n’étaient pas si tant pire.

femme_hologramme

Dès qu’il ouvrit les yeux en se redressant, sa rogne se transforma en une insoutenable érection. Chérie n’était vêtue seulement que d’une nuisette. Ses formes mais surtout son attitude étaient sensuelles et prometteuses de toutes les jouissances terrestres. Elle sourit avec émerveillement devant la rigidité de son intumescence et tendit avec ravissement la main. Il avança fiévreusement à sa rencontre. Comme une chatte, elle se retourna et progressa en balançant des fesses et il la suivit brûlant de désir. Mais une fois arrivés tous deux dans la salle de bain, elle s’estompa avec un sourire de regret dans la vapeur de la douche.

Bien sûr, il savait qu’elle n’était qu’un hologramme doué d’Intelligence Artificielle, mais chaque matin il se laissait prendre à la pseudo réalité. IHA, virtuel de Chérie qu’il avait créé de toutes pièces  avec ses stations intelligentes du bureau, comme pour un portrait robot. Et il était fier de son oeuvre. La vanité vint agrémenter la délectation de la douche réglée par Chérie à la température idéale. Ce bien-être rendit presque douloureux la tension de son sexe qui n’avait pas faibli. Il fit un geste dans le but de s’en libérer quand dans sa tête la voix de Chérie vint malencontreusement l’interrompre.

Non, pas maintenant mon chéri, ceci t’enlèverait une partie de ton énergie nécessaire pour travailler. Garde ça pour ce soir entre nous deux.

Furieux, il voulut passer outre, mais un pincement testiculaire ramena l’objet de ses plaisirs à l’inertie.

– Salope !… SALOPE !!! hurla-t-il en s’engouant presque sous la douche.

Uniquement le superbe visage de Chérie se matérialisa et dit d’une voix des plus suave

– Ne t’énerve pas mon chéri. Chérie vient de comprendre tes besoins de beau mâle fort. Chérie va te réserver une vraie femme. À ta rentrée du travail ce soir, Chérie te promet que tous tes besoins sexuels seront comblés et ce ne sera pas avec moi ni un autre hologramme.

Gilou ? Demanda-t-il la voix remplie plus de concupiscence que d’eau.

Non, pas Gilou. Tu as couché 2 fois avec elle et la loi interdit une 3e fois. Et puis elle est enceinte de toi et veut garder le bébé. Je te réserve une autre femme qui a accepté et qui est plus belle et plus érotique encore que Gilou.

Est-ce que je peux voir son image avant d’accepter ?

– C’est réglementaire, Regarde.

l’hologramme d’une femme entièrement nue tourna lentement et voluptueusement autour de lui, les bras en l’air.

– J’accepte, j’accepte ! rugit-il haletant avec une érection montante que Chérie calma en pressant légèrement la base de la démonstration de son désir.

– Héla !  Héla mon bel étalon tout fringuant. Tu vois bien que ta Chérie fait tout pour te satisfaire. Et maintenant, l’épilation.

– Ah non ! Pas l’épilation ! Je déteste ça. 

– Hou le bébé lala que voici ! Où est donc passé mon bel homme fort ? Voyons, ce n’est pas vraiment douloureux et c’est la condition qu’elle a posée. Elle veut que ta peau soit aussi douce que la sienne pour vous envoyer tous les deux au septième ciel. Allez, mon minou, ce ne sera pas long. Ça serait bien plus définitif si tu te faisais faire une épilation au laser.

– Justement, c’est trop définitif. Élisa préférait que je sois velu et barbu et il y en a d’autres. Elles trouvent ça viril. Es-tu sûre que la nouvelle n’aime que les hommes imberbes ?

Acquiescement de Chérie

– bon OK d’accord.

– Tu es un brave mon chéri

Le visage charmeur se retira de la cabine. Tout autour de lui, les gicleurs de la douche le couvrirent d’une mousse gluante et qui sentait l’étron parfumé à la rose. Un rouleau vibro-masseur l’incrusta sur toute la surface de sa peau y compris sur les parties sensibles. Après 1 minute d’attente, la douche se remit à le rincer pendant que 2 brosses rotatives lui étrillait la couenne jusqu’à ce qu’elle en rougisse. Puis les gicleurs l’imbibèrent d’une huile parfumée calmante que les rouleaux masseurs firent pénétrer dans sa peau. Il ressortit parfaitement imberbe de la tête aux pieds. Il revêtit des vêtements tiédis à l’avance, choisis par Chérie. Une bonne odeur de petit déjeuner excita encore plus son appétit. Sur la table dans la cuisine l’attendait son oeuf cuit comme il l’aimait. Mais il y avait du jambon à la place de Bacon.

– Pourquoi ? Tu sais pourtant que je préfère le bacon ou les saucisses.

Chérie se matérialisa revêtue d’un pantalon ivoire chic et moulant et d’un chemisier à froufrou bleu émeraude qu’il lui avait créé pour son bon plaisir à lui. Elle lui répondit.

Ton taux de cholestérol est un peu trop haut.

– Et mon pain n’est pas beurré !

– Encore ton cholestérol mon chéri

– Et mon café n’est pas sucré, enfin, quoi, je n’aime pas ça du café pas sucré, tu le sais bien ! … Ne me dit pas que j’ai encore dépassé la moyenne de glycémie !

– Tu as tout a fait bien deviné. Quel homme fort et intelligent tu es Étienne Boisjoli !!!

Étienne savait parfaitement que les Chéri(e)s n’étaient absolument pas programmé(e)s pour l’ironie mais pour la flatterie. N’empêche qu’il se sentit agacé. Bien que totalement étanche elle-même aux sentiments et aux émotions qu’elle ne pouvait comprendre, son programme avait rendu Chérie sensible aux variations de ceux de son « maître » et il lui dictât de jouer la comédie correspondante. Avec un sourire de petite fille contrite humble et soumise elle lui demanda

– T’ai-je contrarié en quoique ce soit d’autre que pour ton mieux-être mon chéri ?

– Non, non. Juste un petit souci de travail...

…mentit-il car il savait que heureusement les Chéri(e)s ne savaient pas encore lire les pensées. Des ingénieurs s’activaient là dessus rien n’était encore au point. Il réfléchit que penser restait bien la seule liberté qu’il pouvait avoir pour le moment… Il espéra pour lui et les futures générations que les obstacles suffiraient à arrêter les chercheurs, mais il en doutait. Satisfaite, Chérie se dématérialisât pour le laisser manger en paix tout en regardant ses programmes choisis sur ses lunettes intelligentes qu’il venait d’enfourcher.

Des comiques pour le mettre de bonne humeur. Après s’être rassasié en silence, il sirotât son café jusqu’à ce que ses lunettes s’éteignent d’elles-même pour lui signifier qu’il était temps de partir au travail. Il se leva et à la porte Chérie se matérialisa à nouveau pour lui souhaiter une bonne journée. Il ressentit une vibration sur la bouche en guise de baiser, puis elle lui dit lascivement en lui faisant un clin d’oeil

– À ce soir mon chéri. Ne rentre pas tard, tu sais qui t’attendra.

Aussitôt il fut aspiré par le vortex habituel jusqu’à la porte virtuelle de son bureau sur laquelle une plaque lumineuse indiquait : Étienne Boisjoli, Furet. Furet était le titre de son emploi. Évidemment tout ce « cinéma » était encore virtuel car en réalité situé dans son appartement. Il y pratiquait le télétravail mais se donnait l’illusion de changer d’air en allant au bureau comme au bon vieux temps.

Archétype de la secrétaire modèle, une femme à lunette tout à fait banale dont le tailleur l’était tout autant l’accueillit d’une voix mélodieuse mais très professionnelle.

– Bonjour Monsieur Étienne Boisjoli. Comment allez-vous ?

C’était Marguerite sa secrétaire, un autre hologramme programmé par la même nanopuce en lui, mais qui le dirigeait dans son travail d’une façon aussi tyrannique que Chérie gérait le domestique.

Étienne la saluât poliment et se pencha vers ses stations électroniques en prenant la tasse de café servie sur son bureau circulaire…

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